Ci-joint le texte corrigé que j'avais adressé aux
Echos pour ma tribune du 11/05/2011. Certaines de mes ultimes modifications n'ayant pas été prises en compte.
La France a-t-elle les bons outils pour accompagner le développement du secteur de la création, des contenus et des services numériques ? En effet, ce secteur, qui est désormais l’un des principaux atouts de l’économie française, n’obéit pas aux règles de création et de développement auxquelles nous sommes accoutumés et appelle des réponses particulières.
25% de la création nette d’emplois
Internet représente aujourd’hui plus de 3,2 % du PIB français. Il représente plus d’emplois que le secteur de l’énergie ou de l’agriculture. Il représente surtout 25 % de la création nette d’emplois et de la croissance économique depuis plus de 15 ans.
Bien au-delà d’Internet, le numérique concerne en outre le jeu vidéo, le cinéma d’animation ou la robotique de service, les services mobiles et géolocalisés, la médecine, le transport... C’est devenu le principal levier de transformation de secteurs les plus matures comme les services, qui représentent 75 % du PIB Français et comptent des multinationales de rang mondial.
Mais surtout, c’est un processus de transformation économique et sociale complète, comme la Révolution industrielle en son temps, qui effectue la synthèse créative d’innombrables ruptures technologiques pour redéfinir les manières de produire, d’apprendre, de communiquer ou d’échanger.
Un écosystème de rang mondial
Dans cette révolution, la France tient son rang. La métropole parisienne, par exemple, avec près de 400.000 emplois, plus de 20.000 diplômés par an, de grandes entreprises mondiales de technologie, de grandes entreprises mondiales de services, une place financière de rang mondial, mais surtout près de 20.000 PME dont quelques milliers de startups très internationalisées, est l’une des trois ou quatre grandes régions mondiales sur ces sujets.
Au delà des quelques succès déjà connus du grand public (Meetic, Exalead, Dailymotion, Allociné, Vente-privée...), la France compte fièrement des PME à succès international : Aldebaran, Parrot, Darkworks, Mikkros, MacGuff, Qosmos, Agoravox, Quantic Dream et tant d’autres...
De nouvelles règles du jeu
Ces chercheurs, créateurs et entrepreneurs sont les acteurs d’une révolution qui a bouleversé, en quelques années, les stratégies de croissance, d’innovation et de création de valeur.
Le web, le « search », les réseaux pairs à pair, le triple-play, la messagerie instantanée, les réseaux sociaux : aucune de ces ruptures ne provient de grands groupes industriels, mais, au contraire, de startups, de chercheurs, voire de mouvements d’activistes.
Ils obéissent à de nouvelles règles, ils privilégient la scalabilité, l’ouverture et l’interopérabilité, la cocréation avec les utilisateurs, la qualité de l’expérience utilisateur. Ils travaillent à changer le monde et s’attachent à des innovations de ruptures, seules à même de leur apporter l’hypercroissance recherchée.
Ils se fondent sur des flux d’innovations techniques ultra-rapides (big data, interfaces, intelligence ambiante...), ils privilégient la vitesse au brevet, la valeur d’usage au modèle économique. Ils travaillent le design, le désir, l’esthétique, l’expérience puis intègrent les technologies dont ils ont besoin.
Tout en étant âprement concurrentiels, ils inventent de nouvelles manières de coopérer, conscients de vivre une aventure collective.
Malgré une réelle implication des pouvoirs publics, ils travaillent le plus souvent en marge de la politique industrielle traditionnelle. Ils ne bénéficient que fort peu de l’achat public. Ils savent bien que les règles de soutien industrielle pensées pour les industries matures ne collent pas parfaitement avec leurs spécificités.
Nous travaillons déjà d’égal à égal avec Montréal, Tokyo, Séoul ou Londres. Pour franchir le fossé qui persiste avec les grands écosystèmes de Boston ou de San Francisco, il faut maintenant une réponse adaptée à la vitesse, la créativité et la mobilité.
Il est temps d’apprendre à considérer la « technologie sans usines ». Il est temps d’apprendre à soutenir ces entreprises, startup et industries de services, souvent très jeunes, qui consomment au quotidien des technologies de pointes, qui ont peu de capital matériel, beaucoup de capital humain, peu de fonds propres. Ces entreprises qui créent aujourd’hui la croissance et l’emploi en France et qui ont besoin de plates-formes, de lieux de benchmarking, de lieux de rencontre et d’échange de liens avec les laboratoires, les publics, les créatifs et les technologies des TICE.
Certaines approches ont fondé trente ans d’excellence française. Elles sont toujours valables. Mais il faut désormais les compléter pour intégrer la nouvelle donne. Il existe des formes d’innovation et de création de valeur durable, tirées par les usages et les services, ce sont elles qui ont fondé le succès de la Silicon Valley. Les startups, même en France, ont le potentiel de bouleverser le paysage et doivent être traitées comme telles. Le monde change à toute allure, mais la France peut jouer un rôle déterminant dans la construction de cette nouvelle civilisation.
C’est pourquoi nous espérons qu’après les IRT, solutions centrées sur les technologies lourdes, il sera possible de concevoir de nouveaux outils, accélérateurs de PME, ouverts sur l’open innovation et autorisant de nouvelles synthèses créatives.
Henri Verdier, chef d’entreprise, est le président du pôle de compétitivité Cap Digital.